fr | en | es
A propos de l’OID | Liste des membres | Bulletin électronique | Contact | Accueil
.
Attac Suisse

Briser la domination des marchés financiers - Renforcer les droits des salarié-e-s

Propositions d’Attac suisse face à la crise.
Ce document est le résultat d’une discussion intensive d’un groupe de travail d’attac Suisse qui s’est mis comme but d’élaborer des alternatives suite à la crise dite financière qui a ses racines dans l’économie réelle et qui, aujourd’hui, se répercute sur celle-ci.


par Attac Suisse

13 février 2009

Propositions d’Attac suisse face à la crise.

Ce document est le résultat d’une discussion intensive d’un groupe de travail d’attac Suisse qui s’est mis comme but d’élaborer des alternatives suite à la crise dite financière qui a ses racines dans l’économie réelle et qui, aujourd’hui, se répercute sur celle-ci.

Le but de ce texte est multiple : premièrement, il offre des alternatives valables à un système basé sur la maximisation du profit au détriment des salarié-e-s ; deuxièmement, il veut stimuler d’autres forces de gauche à s’approprier les questions sur des alternatives au système capitaliste ; troisièmement, il veut être un instrument de travail, voire de pression pour réaliser un vrai changement qui respecte les préoccupations réelles des salarié-e-s et améliore leurs conditions de vie et de travail immédiates.

Nous sommes convaincus que le changement se fait à travers la dialectique entre réalisme et utopie. Par conséquent, ce papier intègre des propositions réalistes, que nous estimons pouvoir réaliser dans l’actuel rapport de force, tout en incluant des propositions dites utopistes qui visent au dépassement du capitalisme financier globalisé.

Pour finir, ce papier ce veut une « boussole » pour des changements au niveau national, tout en s’inscrivant dans une action politique qui dépasse le « localisme » et prend en considération le contexte et les enjeux internationaux, car le changement ne peut qu’être global.

Janvier 2009


Renforcer les droits des salarié-e-s

La crise des banques a et aura des impacts violents sur l’économie réelle. Des licenciements dans le secteur bancaire et des assurances ont déjà été annoncés, plus de 3000 places ont été supprimées en Suisse, d’autres le seront dans les mois à venir. Mais d’autres secteurs seront touché : l’industrie, le bâtiment, le tertiaire etc. Selon le Secrétariat d’Etat à l’économie (seco), le chômage augmentera à 200’000 personnes jusqu’à fin 2009. Au niveau mondial, le Bureau international du travail (BIT) prévoit une augmentation du chômage pouvant aller jusqu’à 50 millions.

Dans ce contexte, il est indispensable de renforcer les droits des salarié-e-s. Selon nous, ceci implique les mesures suivantes :

• L’introduction d’un salaire minimum légal de 4’000 par mois dans tous les secteurs, salaire adapté chaque année à l’inflation et à la productivité

• L’interdiction des licenciements économiques quand une entreprise réalise du profit

• Le renforcement de l’assurance chômage, c’est-à-dire la suppression de la période de cotisation obligatoire et la limite du nombre maximal d’indemnités journalières

• La réduction du temps de travail sans diminution des salaires de manière à partager le travail entre toutes et tous. Cette mesure sera financée par une diminution du profit distribué aux actionnaires

• La socialisation [1] des entreprises qui demandent le financement public. Cela signifie l’autogestion des entreprises par les salarié-e-s et l’investissement public dans des technologies alternatives et écologiques (le solaire, hybrides etc.)

• La limitation drastiques des salaires des dirigeants d’entreprises et l’interdiction des « stock options »

Pour un système de retraite social et solidaire

Le système de retraite actuel est basé sur trois systèmes :

Le système de la répartition qui est celui utilisé par l’AVS. Dans ce cas, c’est la population active qui finance les rentes des retraité-e-s. Ce système est particulièrement social, car les prestations ne sont pas calculées selon le revenu. Mais les prestations sont très modestes, se chiffrant entre 1’140.- (rente minimale) et 2’280.- (rente maximale) et se trouvant ainsi au-dessous du minimum d’existence (2’500.- par mois et personne). Aujourd’hui, 1% de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sert au financement de l’AVS en plus des cotisations.

Le système de la capitalisation qui est celui utilisé par les caisses de pension : Les salarié-e-s épargnent de l’argent qui est versé à des caisses privées. Ces caisses peuvent spéculer sur les marchés financiers pour atteindre un bénéfice maximal. Jusqu’à aujourd’hui, le capital accumulé se chiffre à 606 milliards de francs (le total de la production annuelle de biens et de services de la Suisse, soit le PIB, se situe autour de 485 milliards). Les prestations versées aux retraité-e-s sont calculées premièrement par le taux de conversion (6.8% à partir de 2011) qui permet de calculer la rente annuelle par rapport à l’épargne accumulé et deuxièmement par le taux d’intérêt minimal (2% à partir de 2009), c’est-à-dire la participation des retraité-e-s aux gains d’investissement.

Le système d’épargne privée du troisième pilier : les salarié-e-s peuvent décider de mettre à côté de l’argent pour leur retraite. Ce système ne garantit pas un taux d’intérêt fixes, mais par contre, le prestataire profite des diminutions d’impôt sur l’argent épargné.

Les cotisations patronales et salariales qui alimentent le système de retraite représentent ensemble environ 22% du salaire brut. Aujourd’hui, la répartition de la retraite est de 10% pour l’AVS (AI inclus) et 12% pour le 2e pilier. Les spéculations sur les marchés financiers ont englouti 15% du capital des fonds de pension (2e pilier) dans la crise actuelle, soit 90 milliards de francs. Ce jeu de spéculation avec les retraites des salarié-e-s est inacceptable. Il est temps d’assurer un minimum vital au retraité-e-s et de lutter ainsi contre la précarité dans la vieillesse. Pour ce faire, nous proposons de prendre les mesures immédiates suivantes :

• Diminuer la part des prélèvements obligatoires du 2e pilier pour les transférer à l’AVS, de façon à ce que cette dernière assure un revenu minimal de 3’000-3’500 francs. Dans la période transitoire, les sommes accumulées par les salarie-é-s dans le 2e pilier doivent continuer d’être garanties. Le but final reste le versement de la totalité des prélèvements obligatoires pour la retraite à l’AVS et ainsi la suppression des fonds de pension.

• Remplacer le 1% de la TVA - support actuel de l’AVS - par la soumission des dividendes aux paiements des cotisations sociales, soit 10.1% pour l’AVS-AI-APG

Changer le système financier

Le point de départ de la crise actuelle est une crise des inégalités. Plus précisément, il réside dans le transfert massif des richesses des salarié-e-s aux actionnaires et dans l’augmentation du crédit aux ménages que ce transfert a provoqué. Mais cette crise n’aurait pas connu l’extraordinaire ampleur qui est la sienne sans le développement hors de toute raison des marchés financiers et la multiplication conjointe des nouveaux instruments de spéculation (produits dérivés [2], titrisation [3] des créances immobilières, etc.)

La responsabilité des banques centrales, et en particulier de la banque centrale américaine (Federal Reserve ou Fed) et de son directeur d’alors Alan Greenspan, est écrasante. Ces banques centrales ont maintenu une politique d’argent bon marché qui a permis un endettement hors norme des entreprises et des banques à des fins de spéculation. (En 2006 par exemple, le 40% des profits des entreprises américaines provenaient d’opérations financières)

Les banques ont évidemment joué un rôle majeur dans ce désastre. A l’origine, le rôle principal des banques était de récolter l’épargne auprès des particuliers et des entreprises de manière à pouvoir accorder des crédits d’investissement à l’industrie.

Il y a une trentaine d’années, les détenteurs de capitaux et les entreprises se sont progressivement (et partiellement bien sûr) retirés de la sphère productive pour se diriger vers la sphère financière où des profits plus élevés les attendaient. Les banques ont bien entendu accompagné et même fortement encouragé cette tendance. Elles ont procédé à une distribution excessive de crédit pour la spéculation, en particulier aux hedge funds [4] et aux private equity funds [5], provoquant ainsi une augmentation démesurée de la masse monétaire. En outre, elles se sont mises à spéculer pour leur propre compte en utilisant des effets de levier [6] gigantesques (de 30 à 50 !).

La finance est folle. La crise actuelle montre que la cupidité des possédants est sans limite, ce qui leur fait perdre toute prudence, toute raison et toute morale. Une fois de plus, cette crise démontre que le discours néolibéral est faux de A à Z : le marché ne s’est jamais régulé de lui-même, la poursuite de l’intérêt individuel n’a jamais servi le bien de tous.

Les réglementations ont été contournées, le contrôle par les institutions comme le FMI a été inopérant. Il est donc indispensable de changer radicalement les règles du jeu. Le système bancaire et financier doit être mis au service des besoins de l’humanité.

Les constatations ci-dessus nous amènent à proposer les mesures suivantes :

• La socialisation du système bancaire et de crédit et le contrôle de leurs capitaux. Ceci ne signifie pas l’expropriation des épargnes individuelles et la mise sous contrôle de l’Etat, mais le contrôle des investissements dans des projets sociaux et des technologies écologiques par les acteurs principaux de la société : syndicats, mouvements sociaux, salarié-e-s

• L’interdiction des crédits destinés à la spéculation

• L’interdiction de la titrisation

• L’interdiction des produits dérivés

• L’interdiction des paradis fiscaux et du secret bancaire

• L’échange automatique et obligatoire d’informations sur le plan fiscal

• La nationalisation des bourses et des organismes de compensation

• La fermeture des marchés de gré à gré

Nous appelons les groupes de gauche, les syndicats et les différents mouvements sociaux à se regrouper et à s’approprier les questions susmentionnées. Un débat large peut unifier les forces disponibles et améliorer les conditions de vie et de travail des plus opprimé-e-s. (femmes, jeunes, vieilles et vieux, migrant-e-s etc.). La mise en œuvre d’un système économique et social qui garanti les besoins des être humains reste une question de contre-pouvoir que la gauche peut organiser contre la politique dominante.

Réunissons-nous - la lutte paie !

(JPEG) 35.8 ko


Notes / glossaire :

[1] Par socialisation, nous entendons que ces entreprises doivent devenir la propriété de la société dans son ensemble, leur possession effective passant entre les mains de leurs travailleurs organisés en conseils d’établissement élisant leur direction en leur donnant mandat, lesquelles directions sont responsable devant les conseils et révocables par eux à tout moment.

[2] Les produits dérivés simples Les contrats à terme (futures) sont des engagements d’acheter ou de vendre, à une certaine date et à un prix convenu, un produit ou un instrument financier quelconque (matières premières, actions, obligations, devises). Les options sont des droits d’acheter ou de vendre un produit ou un instrument financier dans un certain délai et à un prix fixé d’avance. Les swaps sont des contrats d’échange, par exemple échange d’intérêt d’une dette à taux fixe contre celui d’une dette à taux variable ou échange de montants libellés en deux monnaies différentes dans un délai déterminé.

[3] Titrisation : Technique financière qui consiste, pour une banque, à transférer des créances (créances résultant de prêts hypothécaires, de prêts à la consommation, etc.) dans une société créée pour cela et à transformer ces créances en obligations (titres) qui sont ensuite vendues aux investisseurs qui désirent placer leurs capitaux sous cette forme. L’avantage pour la banque est double : d’une part, le risque de non-paiement est transféré aux détenteurs des titres et d’autre part, ces créances sortent de son bilan ce qui lui permet d’accorder davantage de crédits.

[4] Hedge fund (en français : fond alternatif) Fond d’investissement à vocation spéculative. Ce type de fond réunit les capitaux de très gros investisseurs et recherche un rendement maximum en exploitant un effet de levier important et en utilisant tous les instruments financières disponibles (en particulier : produits dérivés, ventes à découvert).

[5] Private equity fund (en français : fonds de capital-investissement). Fond d’investissement spécialisé qui réunit les capitaux de très gros investisseurs pour les placer sur des sociétés, en général non cotées en bourse. Il s’agit donc de fournir des fonds propres à ses sociétés ou d’acheter une partie de leurs actions de façon à en obtenir le contrôle. La plupart de ces fonds se caractérisent par une politique très agressive de recherche d’un rendement maximum à court terme. Cela se traduit par des pratiques comme le dépeçage des sociétés contrôlées (vente de tout ou partie de leurs actifs), le dégraissage de leurs effectifs ou leur délocalisation.

[6] Effet de levier : Mécanisme qui permet à un opérateur financier (banque, hedge fund, etc.) de dégager une rentabilité très élevée grâce à un endettement plusieurs fois supérieur à ses fonds propres (ou capital) de départ. Ce terme peut aussi désigner le rapport entre les sommes empruntées et les fonds propres (dans l’exemple ci-après, l’effet de levier est de 9). Exemple : une banque d’investissement consacre 1 million (fonds propres) pour spéculer sur différents produits financiers. Elle emprunte pour ces opérations 9 millions au taux de 5%. Elle réunit donc au total 10 millions. Les opérations qu’elle réalise lui rapportent net 10%, soit 1 millions. Une fois déduit l’intérêt sur les sommes empruntées, soit 450’000, il lui reste 550’000. La rentabilité qu’elle obtient ainsi sur ses fonds propres est de 55% ! (550’000 par rapport à 1 million).


^^^
Ce site est hébergé par |DOMAINE PUBLIC|, serveur indépendant et autogéré, et
est réalisé avec le système de publication |SPIP|, sous LICENCE DE LOGICIEL LIBRE (GPL).
.